Introduction aux valeurs numériques : les Guématriot
« אוף מלין דאורייתא אית בהו פשטא דקרא. דרשא. רמז דקא רמיז חכמתא. גימטרייאות. רזין טמירין. רזין סתימין אלין על אלין »
« Il y a dans chaque parole de la Torah le sens littéraire de l’écrit. Le sens allégorique. L’allusion dans laquelle est allusionnée Sa Sagesse. Les Guématriot (les valeurs numériques). Secrets énormes. Secrets fermés, un sur l’autre » (Zohar Balaq 202a).[1]
La Torah est écrite en hébreu.
Mais, si l’on peut s’exprimer ainsi, Hachem nous a aussi donné un accès complémentaire à Sa Torah à travers un langage universel : celui des chiffres. En effet, chaque lettre de l’alphabet hébraïque porte une valeur numérique.
Lorsque des mots ou des versets du Tanakh partagent une même valeur numérique, les Maîtres d’Israël nous enseignent qu’ils sont, pour ainsi dire, traversés par une énergie commune. Comme si des liens invisibles se tissaient entre eux, au cœur même du tissu des lettres.
Cependant, un chiffre pris isolément ne signifie rien. Il doit être replacé dans son contexte. Le langage des nombres qui sous-tend le Tanakh ne peut être abordé sans ancrage dans son texte écrit — ni sans l’éclairage de la tradition des Sages d’Israël, qui seuls en définissent les contours et les justes limites. C’est bien le texte, expliqué et transmis par nos Maîtres, qui nous permettra de tenter d’interpréter le plus justement possible l’univers des nombres qui se dévoilera à nous.
C’est sans doute ce que nous enseigne aussi le Sefer Yetsirah, le « Livre de la Création ». Au chapitre 2, il nous avertit : « Il n’y a rien de supérieur dans le bien au plaisir (ענג / ‘oneg), et rien de plus bas dans le mal que la plaie (נגע / négâ). »
Or, ces deux mots — ענג et נגע — sont formés des mêmes lettres, simplement ordonnées différemment. Leurs significations, pourtant, s’opposent totalement : l’un évoque le délice le plus élevé, l’autre la souffrance la plus obscure. Ils partagent la même valeur numérique, mais sont à l’opposé l’un de l’autre. Cela montre que la valeur d’un mot ne suffit pas : sans contexte, sans cadre, elle peut mener au contresens.
Cette mise en garde est claire : deux mots formés des mêmes lettres peuvent être profondément antagonistes. Et pourtant… n’est-ce pas justement cet antagonisme qui peut révéler une connexion plus profonde, plus enfouie encore ?
👉 Voir aussi le Portique 1 du Pardès Rimonim, autour de la 21’15 :
Nos Maîtres nous enseignent que ce langage numérique intégré au cœur des lettres est un code subtil, complexe, opaque — malgré une apparente simplicité qui pourrait tromper, voire paraître, à certains, excessive ou sans intérêt (à D.ieu ne plaise, חס ושלום).
Avec l’aide d’Hachem, nous tenterons dans ces courts développements d’effleurer du doigt l’écorce la plus externe de ce diamant, avec sincérité, justesse, et prudence.
Il faut cependant souligner une évidence : pour de nombreux sujets abordés dans la Torah, le texte est suffisamment clair pour qu’aucune explication ni décodage ne soient requis. Le sujet central qu’est Israël — sa terre, son peuple, sa lignée, son lien avec Hachem — est explicite dans le texte. Même une traduction moyenne mais honnête en restitue tant la pertinence que la centralité avec netteté. C’est d’ailleurs ce qui oblige certains ennemis d’Israël à prétendre que la Torah est dépassée, ou falsifiée, ou encore à se substituer à Israël lui-même, en s’autoproclamant le « nouveau » Israël pour les uns et le « vrai » Israël pour les autres…
Nous, les hommes, sommes souvent tortueux. Nous voulons que les choses s’accordent à notre vision. Et lorsqu’elles ne le font pas, notre cerveau met en place des mécanismes de justification pour les réinterpréter. Nous aimons aussi le merveilleux, le mystère, l’extraordinaire. Même si nous avons du mal à l’admettre, nous espérons « en secret » des signes, des miracles. N’est-il pas naturel, dès lors, d’être attiré par ce qui dépasse la rationalité ?
La Torah est profondément merveilleuse, extraordinaire, surnaturelle.
Le texte écrit recèle un code mathématique génialissime — la guématria — qui met en lumière des correspondances stupéfiantes. Si cela ne servait qu’à renforcer la lecture simple du texte, ce serait déjà immense. Mais les différentes méthodes numériques (ou énergétiques) nous ouvrent en réalité des portes vers des secrets, chaque méthode donnant accès à une facette différente du texte.
Il ne nous sera possible d’en saisir que le sens le plus bas, le pchat du sod — « le sens le plus simple du secret ». Mais même ce sens est un trésor. Comme un pauvre recueille les miettes tombées de la table du Roi — miettes si précieuses qu’elles le nourrissent avec une abondance insoupçonnée, et le rassasient d’une joie intense et délicate…
En conclusion, soutenir son étude de la Torah par ces clés numériques/énergétiques voilées peut nous enrichir à au moins trois niveaux :
- Élever notre foi (émounah אמונה) : en constatant la précision stupéfiante des correspondances entre les mots du texte et leurs valeurs numériques cachées, notre émounah אמונה ne peut que se renforcer.
- Approfondir notre compréhension : ces valeurs numériques révèlent des connexions cachées, des passerelles secrètes entre des versets, des concepts, des mondes, que la plupart d’entre nous ne relierait pas autrement.
- Mieux nous comprendre nous-mêmes ainsi que certains mécanismes métaphysiques : car ces chiffres dévoilent des mécanismes subtils, des flux d’énergie et d’information invisibles, des lois métaphysiques qui régissent notre réalité.
Puisse Hachem nous protéger dans cette démarche. Qu’Il nous préserve de l’erreur, et qu’Il nous guide dans la lumière de Sa Torah.
אמן ואמן (amen véamen).
[1] Rav David Menache ז’ל, Berechit Secrets cachés, vers la 5è min. : https://www.youtube.com/watch?v=w-ZEw4aA5Lg
[2] L’ensemble des Textes dits Sacrés se dit en français « la Bible ». En hébreu, cet ensemble se nomme « TaNaKH תנך ». T/ת pour Torah תורה; N/נ pour Prophètes/Néviim נביאים; KH/כ(ך) pour Hagiographes/Khétouvim כתובים. Le TaNaKH תנך comprend 24 livres au total. La Torah en compte 5 sur les 24.
[3] Voir notamment le livre du Rav Abraham Aboulafia « Lumière de l’Intellect/Or hasékhel אור השכל ». Editions de l’éclat/Beit ha-Zohar, traduit et annoté par Michaël Sebban, page 104 à 109. https://beithazohar.com/livres/la-lumiere-de-lintellect-rabbi-abraham-aboulafia/