Le mot « Juif / Yéhoudi יהודי » : Retrouver la puissance tanakhique
- Une origine royale
Le mot Yéhoudi (יהודי), traduit par « Juif », porte en lui une puissance considérable à sa source biblique.
Dans le Livre Ester (2,5), Mordekhaï est qualifié de « איש יהודי » — « un homme juif ». Ce qualificatif trouve son origine dans le nom Yehoudah (יהודה), l’un des fils de Yaakov, éponyme de la tribu royale de Yehoudah. C’est cette tribu, Yehoudah, qui incarne la royauté en Israël, associée au lion, symbole de force, de dignité… et de souveraineté.
Ainsi, à sa source tanakhique, la notion d’« Homme juif » est noble, forte, souveraine. Elle exprime la volonté royale d’Israël dans son expression la plus haute. D’ailleurs, ses valeurs numériques sont très révélatrices — nous y reviendrons, avec l’aide d’Hachem.
Un signe remarquable : dans ce verset d’Ester 2,5, le mot « איש » (homme) est le 441ᵉ mot du livre. Or 441 est la guématria de אמת (vérité).
Comme si cette désignation — « un homme juif » — reposait sur un fondement de vérité essentielle.
אמת | ת | מ | א | |
441 | = | 400 | 40 | 1 |
- Dérive du sens : une déconnexion « moderne »
Mais aujourd’hui, que reste-t-il de cette noblesse d’origine ?
Cette volonté royale, cette énergie souveraine, sont-elles encore ressenties au sein du peuple hébreu, qu’il soit en exil ou non ? Chez une minorité éveillée, bien sûr. Mais pour la majorité ? Je crains que non.
Dans la culture occidentale, laïque, christianisée ou islamisée, le mot « juif » apparaît comme déconnecté de sa racine Tanakhique. Il semble ne plus renvoyer qu’à une identité spirituelle, à un statut religieux limitatif et enfermant.
Pire encore, ce mot semble pris en otage, pollué par des siècles d’exils, d’hostilité, de récupération idéologique. Il a été transformé en étiquette sociopolitique ou en outil de marginalisation négative, utilisé comme arme contre Israël.
- Israël ou juif ? Un renversement de priorité
Selon mes très modestes connaissances, les Sages d’Israël utilisent rarement le mot « juif / yéhoudi » pour désigner tant l’individu que le peuple d’Israël. Les traductions, tout du moins françaises, elles, s’en emparent systématiquement — même là où le texte hébraïque ne le contient absolument pas. Au contraire, c’est bel et bien le terme « Israël » qui y est inscrit : soit en tant que tel, soit en tant que « enfant d’Israël » ou « peuple Israël » ou même « Israeli – israélien »… Ou bien, c’est le qualificatif « hébreu » qui y est utilisé.
Ainsi, le concept « juif » supplante le concept « Israël » dans le coeur d’Israël, alors qu’il devrait au contraire le servir et le révéler.
Dans le Tanakh, l’expression « peuple juif » n’existe pas. En revanche, l’expression « peuple Israël » est omniprésente.
Il est frappant de constater que dans Ester 3,6 — le 51ᵉ verset du livre — il est écrit :
« … כי הגידו לו את עם מרדכי ויבקש המן להשמיד את כל היהודים אשר בכל מלכות אחשורוש עם מרדכי » « … car on lui raconta (à Haman) de quel peuple Mordokhai (était). Haman chercha à anéantir tous les juifs établis dans le royaume d’A’hachvèroch, peuple Mordokhai ».
Le texte sépare clairement les mots « juifs » et « peuple ». Ce n’est certainement pas un hasard : le Tanakh n’est pas un récit aléatoire, mais un langage structuré avec précision.
Ainsi, Israël représente la nation, la collectivité, l’unité.
Le terme « juif », lui, semble plus individuel.
Il nous apparait que le danger évident est de confondre l’un avec l’autre, de les « vider » de leur puissante substance première respective.
- La nomination : fondement de la paix
Dans Béréchit 2,20, le Texte nous apprend que Hachem a laissé Adam nommer les animaux. Ce verset — le 51ᵉ de la Torah, même position que le verset d’Ester ramené plus haut qui était lui aussi en 51ᵉ position dans son lieu — souligne l’importance de nommer avec justesse. Et nommer justement les choses commence dans la « tête ».
C’est certainement également dans cet esprit que l’on peut interpréter ce que le roi David (ע״ה) écrit dans les Tehilim (Psaumes), 119,160 :
« ראש דברך אמת » (Roch devarékha emet) — La tête de Ta parole est vérité.
Or, les initiales sont, en hébreu, appelées rachei teivot (ראשי תיבות), ce qui signifie littéralement : « têtes des mots ». Ce terme même nous enseigne que le commencement d’un mot, son impulsion première, n’est pas anodine. Elle est comparable à la tête de l’être humain, qui oriente, perçoit, réfléchit, et décide.
Or, les initiales des mots relatifs à la première parole d’Adam — celle rapportée dans le verset Béréchit 2:20 (même si le texte ne nous en donne pas le contenu explicite) — nous révèlent un fait saisissant : leur valeur numérique est 376.
Et 376, c’est précisément la guématria du mot שלוֹם — Chalom, qui signifie paix, intégrité, complétude.
« ויקרא האדם שמות לכל הבהמה ולעוף השמים ולכל חית השדה » « Il appela le Adam (l’homme) les noms de tout le bétail, et l’oiseau des cieux et tout animal du champ ».
Une preuve forte : bien nommer les choses mène à la paix, à la complétude. Et ça comme par la « tête » !
ה | ח | ו | ה | ו | ה | ל | ש | ה | ו |
5 | 8 | 6 | 5 | 6 | 5 | 30 | 300 | 5 | 6 |
Les Sages nous enseignent que les noms révèlent l’essence des choses et que nommer, c’est activer, ordonner, rendre vivant, à l’image d’Adam qui, en appellant (ויקרא) les créatures, les « activent ».
Mal nommer, au contraire, désoriente, égare, déstructure.
Or, aujourd’hui, le mot « juif » semble clairement être devenu l’outil d’un glissement sémantique, sans doute inconscient, mais concrètement entretenu. Il réduit l’identité nationale d’Israël à une croyance religieuse enfermant, dénommée judaïsme, facilitant assimilation et déracinement.
- Vers une reconquête du nom
Depuis 1948 / 5708, les enfants d’Israël sont revenus sur leur terre. Le concept « Israël » doit donc reprendre sa juste place dans le coeur de tout Israël tant dans sa dimension individuelle que dans son appartenance à sa nation.
Ce mot « juif / yéhoudi » est définitivement porteur d’une dimension royale et même d’un avenir royal, mais au service d’Israël. Il n’est pas un fin en soi.
A l’image du verset de Zacharie 8,23 qui nous parle de la fin des temps et qui, encore une fois, associe ou attache le terme « juif / yéhoudi » à un individu et non à la nation.
« בימים ההמה אשר יחזיקו עשרה אנשים מכל לשנות הגוים והחזיקו בכנף איש יהודי לאמר נלכה עמכם כי שמענו אלהים עמכם »
« en ces jours-là saisiront (fermement) dix hommes de toutes langues des nations par le coin (le pan, « l’aile ») d’un homme juif en disant : nous irons avec vous car nous avons entendu que Elohim est avec vous »
6. התורה : שרש ישראל – La Torah : Racine d’Israël
Parmi les enfants authentiques d’Israël, celui qui affirmerait qu’Israël n’est qu’une nation comme les autres, détachée du concept tanakhique, et qui considérerait la Torah comme un texte dépassé ou sans pertinence — חס ושלום, que celui-là se retourne et écoute ce que l’Histoire lui « murmure à tue-tête » .
Car c’est uniquement par la Torah que le nom Israël a été révélé.
C’est grâce à la Torah qu’il a traversé les siècles, les millénaires, bravant toutes les tentatives d’effacement, toutes les persécutions.
C’est encore grâce à la notion de « Ich Yéhoudi – איש יהודי », incarnée par Mordekhaï et, de manière cachée, par Ester, que le peuple Israël a été sauvé et maintenu en vie jusqu’à aujourd’hui.
L’enfant d’Israël qui aujourd’hui rejette la Torah, qui s’en prend à ceux qui s’y attachent, ne peut exister et parler en tant qu’israélien qu’à cause – et grâce – à cette Torah qu’il renie.
Son droit à l’expression, son identité, son existence, il ne les doit qu’à cette mémoire, qu’à cette réalité plus vivante que jamais qu’il attaque.
Le nom Israël, une signature divine
Qu’il ouvre son esprit et sa compréhension.
Qu’il cherche l’origine du mot Israël / ישראל :
Il la trouvera dans la Torah, dans le souffle divin qui a donné naissance à ses lettres mêmes.
Qu’il observe avec émerveillement : ces cinq lettres י ש ר א ל sont chacune l’initiale des trois Patriarches et des quatre Matriarches, tous révélés dans la Torah.
Lettre | Patriarches / Matriarches |
י | יצחק, יעקב |
ש | שרה |
ר | רבקה, רחל |
א | אברהם |
ל | לאה |
S’il le savait déjà, qu’il vive profondément cette vérité.
Qu’il en reconnaisse la beauté, l’impact, la cohérence.
Car renier la Torah, c’est renier Israël.
Et renier Israël, c’est renier ses Pères, ses Mères, et, finalement, son propre être.
Existe-t-il plus grande absurdité ?
Restaurer l’essence du mot Yéhoudi
Puissions-nous tous ensemble contribuer à purifier, et à désintoxiquer ce magnifique mot Yéhoudi – יהודי. Puissions-nous le reconnecter à sa source tanakhique, à lui redonner sa noblesse première, sa force et sa justesse. Non comme un simple mot religieux. Mais comme un bouclier, un canal royal conduisant au dévoilement d’Israël dans toute sa dimension.
Puissent tous ceux parmi Israël qui se sentiraient offensés par mes propos, me pardonner mes maladresses.
Puissent nos Maîtres contemporains m’aider à m’améliorer, ainsi qu’à corriger mes erreurs.
Puisse mon intention sincère d’honorer Sa Torah et Son Peuple Israël, être accueillie avec bienveillance.
אמן