« כל מילין דאורייתא מילין עילאין אינון ורזין עילאין »

« Tous les mots de la Torah sont des mots supérieurs et se sont des secrets supérieurs » (Zohar דף קנ’ב).

Les Lettres, les Taguim (les Couronnes) et les Points Voyelles

Lettres, Couronnes (Taguim) et Points Voyelles : les strates du Texte

Les Sages d’Israël nous enseignent que les 22 lettres de l’alphabet hébraïque ne sont pas de simples signes conventionnels, comme c’est le cas dans les langues forgées par l’homme. Les lettres de la Torah sont d’une toute autre essence. Elles ne sont pas le fruit de conventions humaines, mais émanent de sphères élevées, insoupçonnées, inaccessibles. Selon nos Maîtres, elles précèdent la création des mondes[^1].

Ces lettres constituent ce que nos Sages appellent le « corps » du Texte. À leur image, les points voyelles — selon un enseignement du Tiqouné haZohar — sont comparés à l’âme. Ils ne sont pas de simples signes diacritiques : ils animent les lettres, les mettent en mouvement, leur donnent souffle et direction. Sans eux, les lettres demeurent silencieuses, en suspension, comme figées dans une potentialité encore endormie.

C’est par leur mise en voix — leur passage dans la parole humaine — que les points voyelles activent l’énergie et l’information contenues dans chaque lettre. Ainsi, lorsqu’un homme prononce les mots de la Torah, il ne se contente pas de lire : il participe à l’actualisation du flux divin inscrit dans le texte. Il devient, à son échelle, un canal vivant de cette énergie.

Trois niveaux fondamentaux

Les Maîtres d’Israël nous enseignent que l’univers des lettres hébraïques se déploie en plusieurs strates. Nous retiendrons ici trois niveaux essentiels :

  1. Les lettres elles-mêmes – réceptacle premier du message divin ;
  2. Les taguim (couronnes) – ornements portés par certaines lettres ;
  3. Les points voyelles (niqoud) – qui animent et éveillent les lettres.
  1. Les lettres

Elles forment le premier niveau du sod (secret) de la Torah[^1]. Elles sont bien plus que des signes. Chacune contient une concentration d’énergie et de sens.

  1. Les Taguim (couronnes)

Certaines lettres sont surmontées de petits ornements, appelés taguim — « couronnes ». Chaque tag est traditionnellement doté d’une valeur numérique de 7.

Les lettres sont ainsi classées en trois catégories :

  • Fortes : sans couronnes ;
  • Faibles : portant une seule couronne ;
  • Très faibles : ornées de trois couronnes.

Ces taguim forment le deuxième niveau du secret. Ils appartiennent à un degré supérieur de dévoilement mystique, plus subtil, plus raffiné.
(Voir tableau 4 dans l’onglet Tableaux.)

  1. Les points voyelles (niqoud)

Ils constituent le troisième niveau du secret.

Nos Sages enseignent que les voyelles ne sont pas de simples aides à la lecture, mais qu’elles participent elles aussi de l’énergie du texte :

  • Un point simple «   ̣» vaut 10 – la valeur du yod (י) ;
  • Un pata « ַ » vaut 6 – la valeur du vav (ו) ;
  • Un qamats « ̞ » vaut 16 – soit vav + yod.

Ces valeurs ne sont pas arbitraires. Elles traduisent un principe fondamental : les voyelles agissent comme les souffles de l’âme sur le corps des lettres. Elles ne sont ni accessoires, ni secondaires. Elles éveillent, mettent en mouvement, activent.

Un mot d’avertissement

Je ne prétends nullement expliquer ici les enseignements de la Qabalah. Je reconnais, avec humilité, que je n’en ai ni la légitimité, ni les compétences. Mais, Rabbi Shimon Bar Yoḥaï, selon la tradition, a transmis que les profondeurs du Zohar ne seraient dévoilées que lorsque le moment serait venu — à la « fin des temps ». Nous y sommes.

C’est pourquoi, avec la plus grande prudence, je me permets d’y faire allusion lorsque cela s’avère nécessaire à la compréhension de notre propos. Non pour les enseigner, mais pour souligner, avec respect, la profondeur insondable du Texte transmis par nos Sages.

Un tableau fondamental

Voici ci-après un tableau de référence issu de la Qabalah, essentiel pour approcher la structure hiérarchique des niveaux de lecture du Texte :

Degrés d’étude Degrés d’âme « Signes » Mondes Hachem (le Nom) déployé Hachem (le Nom)
יחידה (Yé’hidah) ע’א.ק.
סוד (secret) חיה (‘Hayah) טעמים (taâmim)  ע’האצילות (monde de l’émanation)

יוד הי ויו הי

עב = 72

י
דרש (sollicité) נשמה (Nechamah) ניקוד (pts. voyelles) ע’הבריאה (monde de la création)

יוד הי ואו הי

סג = 63

ה
רמז (allusif) רוח (roua’h) תגים (couronnes) ע’היצירה (monde de la formation)

יוד הא ואו הא

מה = 45

ו
פשט (simple) נפש (néfèch) אותיות (lettres) ע’העשיה (monde de l’action)

יוד הה וו הה

בן = 52

ה

(Cliquez « ici » pour revenir à l’Unité 1).

Une dynamique ascendante et descendante

Ce tableau nous montre qu’en remontant les lettres du Nom ineffable de Hachem depuis la dernière jusqu’à la première, on progresse de monde en monde, de degré en degré, de signe en signe, d’âme en âme.

Inversement, en descendant le Nom de Hachem depuis le י jusqu’au dernier ה, on assiste à un mouvement de transmission ou de matérialisation : l’énergie descend des hauteurs pour atteindre notre monde, le monde de l’action.

En résumé
Les lettres hébraïques, leurs couronnes (taguim) et leurs points voyelles (nikoudot) ne sont pas de simples outils linguistiques. Elles sont les réceptacles d’un message vivant, les vecteurs d’une énergie subtile, porteuse de sens. Leur structure, leur ordre et leur articulation traduisent une organisation hiérarchique qui reflète celle des mondes spirituels et des niveaux d’âme.

[1] Voir entre autres le RAMAQ (Rabi Moché Cordovero 1522 – 1570), Pardes Rimonim, portique 27 chap. 1,2 et 3.

[2] En français, l’âme est … l’âme ! Mais, dans le « lachon haqodech », c’est-à-dire la « langue de Hachem » donc l’hébreu, l’âme contient 5 « degrés » différents. Les 3 degrés les plus « connus » sont de bas en haut : le Néfech נפש, le Roua’h רוח  et la Nechamah נשמה.

[3] Voir notamment au tout début de ce cours du Rav David Menache (לʼʼז) : https://www.youtube.com/watch?v=SKZ0X2mmHBg